Autrefois réservé aux métiers manuels, l’apprentissage trace son chemin depuis plusieurs années et s’impose de plus en plus aujourd’hui au niveau des études supérieures comme l’une des solutions professionnelles les plus adaptées pour commencer une carrière et mettre un pied dans la vie active.

Rencontre avec Patrick Eveno, Chargé d’enseignement à Paris 1 Panthéon Sorbonne et Responsable pédagogique du Master GATH (Gestion des activités touristiques et hôtelières) à l’IREST (Institut de recherches et d’études supérieures du tourisme).

1° Quel est le profil des étudiants en Master GATH ?
Ils sont issus majoritairement d’un cursus universitaire et sont déjà en possession d’une licence éco-gestion. Mais ils peuvent aussi avoir commencé une formation dans l’hôtellerie selon leurs études, leurs stages et jobs d’été, et ont entre 21 et 26 ans environ.
Chaque année, nous recevons environ 300 candidatures pour 25 places.

Notre diplôme a pour objectif de former des cadres supérieurs au sein d’une entreprise ou d’un organisme touristique, à la direction d’un établissement, d’une chaîne ou d’un groupe hôtelier ainsi que dans les sociétés privées de conseil. Il est une véritable porte d’entrée pour les jeunes diplômés de l’hôtellerie et est reconnu par les professionnels français et internationaux, et bien entendu parisiens avec lesquels nous avons noué un véritable partenariat.

2° Pourquoi la voie de l’apprentissage est-elle de plus en plus plébiscitée ?
Notre master au début n’était pas accessible en apprentissage. Depuis 7, 8 ans, nous avons ouvert ce cursus à la formation professionnelle, à la demande des entreprises qui, peu à peu, ont déverrouillé plus de postes d’encadrement à ce type de formation. Cette demande va crescendo. A l’heure actuelle, 50% de nos étudiants sont en apprentissage et pour l’année prochaine, nous estimons à 80% voire 85% la part de l’apprentissage en Master GATH.

Les avantages de la formation en alternance sont quasi immédiats, tant pour l’étudiant que pour l’entreprise.
Avec 2 jours en entreprise et 3 jours à l’université, toutes les semaines, sans compter les vacances et les périodes de stages (plus qu’un mi-temps annualisé), le jeune est en prise directe avec le monde professionnel. Il se forge une expérience sur le terrain et bénéficie en outre quasi systématiquement d’une offre d’emploi à la fin de sa formation.
De plus, depuis l’arrivée de la pandémie du Covid-19, le gouvernement a intensifié ses aides, permettant à l’entreprise de bénéficier sereinement de la montée en performance des compétences d’un salarié pendant 2 ans, qu’elle aura formé à son image et qu’elle pourra garder à la fin du contrat.

3°Quelles sont les attentes des étudiants ?
Observer, s’intégrer, apprendre et comprendre les différends postes de l’entreprise, mettre en application leur formation théorique. Pour cela, l’entreprise doit être capable de prendre véritablement en considération et en charge le jeune apprenti, le faire évoluer, par exemple du management accueil en première année au poste d’assistance de direction en seconde année. Au-delà de l’intégration dans l’entreprise et l’équipe, cette évolution sur 2 ans est indispensable. Si elle ne le fait pas, les étudiants déçus, ne ressentant pas d’évolution ne resteront pas dans l’entreprise à l’issue de la formation et peuvent même aller jusqu’à remettre en cause leur contrat de seconde année. Les entreprises dans le secteur CHR, notamment, ne sont pas toujours conscientes de cela et à la hauteur des enjeux. Il n’est pas rare que nous devions leur rappeler leur obligation morale. L’évolution de l’étudiant au sein de la société est nécessaire pour rendre ce partenariat vraiment gagnant-gagnant.

4° Selon vous, comment les entreprises doivent elles s’adapter pour fidéliser leurs salariés ?
L’étudiant en apprentissage est par définition motivé et travailleur, flexible et assidu. Par son contact humain et la nature de son travail en relation directe avec le client, il développe des soft skills très prisées dans l’ensemble des secteurs de l’économie, l’immobilier ou la distribution par exemple. Une situation à son avantage qui lui offre une plus grande latitude dans ses choix de gestion et d’évolution de carrière.

C’est pourquoi, la gestion des RH est primordiale. Et les groupes hôteliers sont de plus en plus nombreux à opter pour un management agile, qui s’adapte aux attentes et au mode de vie de leur personnel, ainsi qu’à leur planning personnel et familial.
De plus, nous observons dans les groupes d’envergure, la mise en œuvre d’une meilleure synergie RH en interne, permettant, par exemple à un manager, une mobilité géographique au sein du groupe dans sa région, son pays, voire à l’international, pour se former et bénéficier d’une autre expérience.

5° La Covid-19 a-t-elle résolument transformé le marché de l’emploi dans l’hôtellerie/restauration ?
« Les crises sont l’accélérateur de l’histoire », et dans notre secteur CHR, un « accélérateur de turnover ». La crise « Covid-19 », avec la chute brutale et totale de l’activité, le manque persistant d’activité et de visibilité ayant souvent entrainé la fermeture des établissements « de fait » (non administrativement), les salariés, forts de leurs compétences douces recherchées (serviabilité, empathie, adaptabilité, polyvalence, sachant travailler le soir et le week-end avec le sourire…) sont partis dans d’autres secteurs ou ont déménagé. De nouvelles orientations professionnelles motivées par de profondes réflexions sur eux même, la répartition vie professionnelle/vie personnelle, l’ancrage géographique et les désirs de lieux de vie adaptés.

On peut constater des similitudes « post Covid » dans de nombreux secteurs de services, notamment la santé ou le service à la personne. Dans notre secteur toutefois cela n’a fait qu’aggraver le phénomène récurrent de pénurie de personnel en général, à tous niveaux, sur tout le territoire. C’est un leurre de penser qu’avant, tout allait bien.

Certes, avant, il y avait le flot des étudiants étrangers (environ 350 000) qui pouvait constituer un bataillon d’employés aux postes clés de l’accueil et du service. Nous les retrouvons peu à peu, ce qui pourrait permettre de faire évoluer ceux actuellement à ces postes et retrouver un niveau de pénurie « d’avant crise ».

Restera à (re)mettre en place le chantier, de reconnaissance et d’attractivité des métiers.

« En cela la formation en alternance, l’apprentissage à tous les postes est une aide considérable, une marche indispensable à l’évolution de la compétence, la connaissance et l’attractivité de nos très beaux métiers, si riches, passionnants et épanouissants »

 

Données AJ Conseil :
Pour 6009 candidats enregistrés dans la base du cabinet de recrutement pour les fonctions de Chef exécutif, Chef de cuisine, Second de cuisine, 3882 sont titulaires d’un CAP soit 64.6 % des postulants.